La moralité dans les univers de jeu de rôle : un terrain de jeu éthique ?

Le jeu de rôle (JdR) fournit un environnement unique et interactif où les joueurs peuvent s’immerger dans des dilemmes moraux complexes sans risques réels. Un avantage-clé du JdR réside dans sa capacité à recréer des situations où les décisions morales deviennent cruciales, offrant ainsi aux joueurs l’opportunité de confronter leurs propres valeurs à divers défis concoctés par le maître du jeu (MJ). Mais cette méthode est-elle véritablement efficace pour explorer de telles questions ?

Les dilemmes moraux dans une partie de jeu de rôle sur table

une table de joueuse de jdr en grande discution

Les scénarios de JdR plongent souvent les joueurs dans des situations où les choix ne sont pas simplement noirs ou blancs. Que ce soit choisir de sauver un village au détriment d’un autre, décider du sort d’un prisonnier de guerre, ou gérer les conséquences d’un pacte avec “le diable”. Les parties de jeux de rôle sur table sont truffées de décisions qui interrogent la morale des personnages et par extension, celle des joueurs.

Ludification des apprentissages et développement personnel

un groupe de rolistes soudé fait les plans pour une convention de jeu de role sur table

Au-delà du divertissement, ces dilemmes encouragent les joueurs à réfléchir sur leurs propres valeurs morales et à développer une pensée critique face aux situations complexes. Le JdR c’est un espace entre amis où l’on peut expérimenter les conséquences de nos choix éthiques sans risques réels, offrant une perspective enrichissante sur la nature humaine et la complexité des décisions morales. C’est se mettre à la place de l’autre, comprendre et ressentir au-delà d’une empathie de surface…

Limites éthiques en JDR et respect des joueurs

Une table de jdr et dilemme moraux

Dans le monde du JdR, la ligne entre le bien et le mal est souvent floue, reflétant la complexité des véritables enjeux moraux que nous rencontrons dans la vie réelle.

Personnages et alignements moraux  : Dans des jeux tels que Donjons & Dragons, les systèmes d’alignement des personnages servent de cadre pour évaluer les notions de bien et de mal selon une perspective structurée. Cependant, cette structure est souvent définie par la “boussole morale” de la société fictive dans laquelle le jeu se déroule. Par exemple, dans une société où l’esclavagisme, les castes, ou la succession héréditaire sont des normes acceptées, les actions des personnages doivent être interprétées à travers ces prismes culturels et moraux.

Cette relativité culturelle peut amener des personnages à adopter des comportements qui, bien que perçus comme répréhensibles dans notre réalité, sont considérés comme justes et normaux dans leur contexte fictif. Un personnage agissant au sein d’une telle société pourrait être classé comme “loyal bon”, malgré la participation à des systèmes que nous jugerions immoraux. Ces nuances permettent d’explorer la flexibilité des alignements moraux et de questionner la rigidité des catégories d’alignement lorsque confrontées à la diversité des valeurs morales à travers différentes cultures et sociétés.

Scénarios avec des enjeux moraux élevés : Les maîtres du jeu (MJ) sont fréquemment confrontés à l’élaboration de quêtes qui mettent à l’épreuve non seulement les aptitudes des joueurs, mais également leurs principes éthiques.

Prenons l’exemple d’un scénario Aztèque où les joueurs doivent décider du sort d’une cité menacée par une punition divine; la solution pourrait impliquer un sacrifice humain pour sauver un grand nombre de personnes.
Dans ce contexte, les choix « corrects » ne sont pas clairement définis et chaque décision peut entraîner des conséquences lourdes, obligeant ainsi les joueurs à naviguer au-delà des simples dualités morales. Et si la personne à sacrifier est un PJ, de sa famille, sa promise ?

Zones grises de la fiction et relativité de la morale en jeu

une scène de théatre fantastique

Même dans un jeu de rôle (ou autre), certaines lignes ne devraient jamais être franchies. Le respect des joueurs est primordial.

L’importance de la session zéro : Un outil essentiel dans la gestion de ces enjeux est la “session zéro”. Pendant cette pré-session, le MJ présente le cadre du jeu, y compris les thèmes qui seront explorés et les limites de ce qui est acceptable. C’est également le moment où les thèmes sensibles peuvent être discutés et où les joueurs peuvent exprimer leurs préférences et leurs limites personnelles. Cette pré-session peut être très courte dans un groupe qui se connait, 10 minutes en prenant un café/apéro… Ou plus longue pour des joueurs qui se découvrent mais si votre partie sort du cadre ludique et va explorer des zones inconfortable cette session zéro évite bien des tracas potentiels.

Définir les bornes thématiques : Durant la session zéro, le MJ et les joueurs établissent ensemble un contrat social informel qui définira les contours de leur aventure fictive. Cela inclut non seulement les aspects techniques du jeu, mais aussi les attentes émotionnelles et les sujets potentiellement délicats. Par exemple, si un scénario implique des éléments de trahison ou de conflit intense, le MJ doit s’assurer que les joueurs sont à l’aise avec ces dynamiques et clarifier la distinction entre les actions des personnages et les sentiments des joueurs.

S’appuyer au besoin sur des outils de médiation : Des techniques comme les lignes et les voiles ou “cartes X” permettent aux joueurs d’éluder ou de faire une ellipse sur une scène qui devient trop inconfortable, garantissant que le jeu reste une expérience positive pour tous. Généralement si vous vous posez la question “cette scène va-t-elle trop loin?”, c’est que vous savez qu’elle peut choquer/attrister/blesser quelqu’un…

Responsabilité du maître du jeu : Le MJ a la responsabilité de veiller à ce que le jeu ne devienne pas un espace où les préjugés ou les comportements nuisibles se manifestent sous couvert de “c’est juste un jeu”. Il doit naviguer habilement entre la création de défis moraux et le maintien d’un environnement respectueux et inclusif.

Réflexion sur les structures de pouvoir dans les mondes imaginaires

Les aventures lors de parties de jeux de rôle sur table peuvent être des outils pour examiner les structures de pouvoir et leur impact sur la morale individuelle et collective. Comment les personnages réagissent-ils aux autorités corrompues, et quelles leçons les joueurs peuvent-ils en tirer pour leur propre compréhension des dynamiques de pouvoir dans la réalité ?

Quelques explorations en JdR pour une réflexion sur les structures de pouvoir

  • Autorité et légitimité : Qu’est-ce qui rend une autorité légitime ou non ? Comment la perception de cette légitimité influence-t-elle les actions des personnages ?
  • Impact de la corruption : Comment la corruption au sein des hautes sphères affecte-t-elle les individus et les sociétés dans le jeu ? Quelles stratégies les personnages peuvent-ils adopter pour y faire face ou la combattre ?
  • Révolutions et réformes : Quels sont les moteurs des changements radicaux dans les sociétés fictives ? Comment ces changements sont-ils perçus et vécus par les différents strates de la population ?
  • Dynamiques de pouvoir subtiles : Outre les structures de pouvoir évidentes, quels sont les pouvoirs moins visibles mais influents dans le monde du jeu (magie, religion, connaissances occultes) ?
  • Conséquences des décisions de pouvoir : Quelles sont les répercussions à long terme des décisions prises en position de pouvoir ? Comment ces décisions affectent-elles non seulement le monde du jeu mais aussi les relations entre les joueurs ?

25 choix éthiques et philosophiques dans une aventure de DnD

illustration jugement dans un tribunal med fan
  1. Sauver un village en proie à des bandits tout en ignorant un appel urgent d’un allié. Les personnages doivent choisir entre intervenir immédiatement pour aider un village assiégé par des bandits ou répondre à l’appel de détresse d’un allié de longue date qui se trouve dans une situation potentiellement mortelle. Ce dilemme teste leur capacité à prioriser des vies en jeu contre des obligations personnelles.

  2. Décision sur le sort d’un criminel face à une justice tyrannique. Les aventuriers doivent choisir s’ils livrent un criminel sympathique à un gouvernement connu pour sa cruauté ou s’ils lui donnent une chance de rédemption. Ce choix interroge sur le pardon et la justice dans un régime oppressif.

  3. Destruction ou utilisation d’un artefact maléfique. Confrontés à un artefact offrant de grands pouvoirs mais maudit, les joueurs doivent décider s’il vaut mieux le détruire, au risque de perdre un outil précieux contre un ennemi, ou l’utiliser et risquer la corruption.

  4. Déterminer le sort d’un orphelinat sur le trajet d’une expansion urbaine. Un projet d’expansion de la ville menace de démolir un orphelinat. Les personnages doivent choisir entre soutenir le progrès de leur ville ou sauver la maison de nombreux enfants innocents.

  5. Évaluer la capacité de rédemption d’un PNJ maléfique. Un PNJ qui a commis de nombreux actes maléfiques semble sincèrement vouloir changer. Les joueurs doivent décider s’ils peuvent faire confiance à cette transformation ou s’ils doivent le traiter en fonction de ses crimes passés.

  6. Choisir entre trahir un ami pour un avantage majeur ou rester loyal. Offerts une récompense substantielle pour la trahison d’un compagnon, les personnages doivent évaluer leur loyauté face à leur ambition personnelle ou besoin.

  7. Soutenir une rébellion contre un roi juste mais faible. Un roi bienveillant mais inefficace fait face à une rébellion. Les personnages doivent choisir entre soutenir un coup d’État qui pourrait amener un leader plus efficace ou défendre un roi moralement bon mais faible.

  8. Pardonner à un ennemi ayant causé de grands torts. Après qu’un ennemi ait infligé des dommages considérables, il demande pardon. Les joueurs doivent juger s’ils peuvent surmonter leur rancune et pardonner pour le bien commun.

  9. Accepter une mission risquant de déclencher une guerre entre nations pacifiques. Les PJs se voient proposer une quête qui, bien que lucrative, pourrait provoquer un conflit majeur entre deux pays en paix. Les personnages doivent peser les bénéfices personnels contre les risques du plus grand nombre.

  10. Lutter contre la corruption dans une église sans ébranler la foi des fidèles. Confrontés à des preuves de corruption au sein d’une église puissante, les personnages doivent trouver un moyen de l’exposer tout en préservant la foi de nombreux innocents.

  11. Juger si les fins justifient les moyens avec l’usage de magie noire. Face à une menace imminente, les aventuriers doivent décider s’ils utilisent une magie dangereuse et prohibée pour atteindre un objectif noble, remettant en question l’éthique de “la fin justifie les moyens”.

  12. Résoudre un conflit de territoire où chaque partie a des revendications éthiquement valides. Les joueurs sont appelés à faire une médiation dans un conflit territorial où toutes les parties présentent des arguments moraux et légaux solides pour la possession d’une terre, les forçant à explorer la justice et l’équité en dehors des lois.

  13. Choix entre le bien-être d’un enfant et celui d’une communauté. Un enfant possède des pouvoirs destructeurs incontrôlables. Les personnages doivent choisir entre protéger l’enfant ou le bien-être global de la communauté.

  14. Décider de révéler un secret familial destructeur. Découvrant un secret qui pourrait anéantir une famille mais pouvant affecté des individus innocents.

  15. Évaluer la moralité de sacrifier ses principes pour un avantage tactique. Dans un moment critique, les personnages sont confrontés à un choix : sacrifier leurs principes éthiques pour gagner un avantage majeur ou rester fidèles à leurs convictions, potentiellement au coût d’un échec stratégique. Par exemple, inviter des rois rivaux à un banquet sous pavillon blanc et les assassiner…

  16. Pardonner ou punir un traître pour la survie du groupe. Un membre du groupe a trahi les autres mais possède des informations cruciales pour la survie du groupe. Les joueurs doivent décider s’ils peuvent pardonner pour le bien commun ou si la justice doit prévaloir.

  17. Honorer un accord avec une entité maléfique ou rompre le pacte. Engagés dans un pacte avec une entité maléfique pour des gains immédiats, les personnages sont confrontés à la décision éthique de continuer leur accord ou de le rompre, risquant des représailles.

  18. Choisir entre soutenir une tradition ou promouvoir le changement dans un conflit historique. Face à un conflit ancien où la tradition oppose le progrès, les joueurs doivent choisir de soutenir le statu quo qui maintient la stabilité ou d’encourager le changement qui promet l’amélioration, mais avec des risques de désordre.

  19. Prendre une décision qui sauve des vies maintenant mais peut causer plus de souffrance plus tard. Les personnages doivent choisir entre une solution qui sauvera des vies immédiatement mais pourrait entraîner de plus grands maux à l’avenir. 

  20. Sacrifier les intérêts de la nature contre les exigences des sociétés développées. Confrontés à un projet qui bénéficierait grandement à la civilisation mais détruirait un écosystème précieux, les aventuriers doivent trouver ou non un équilibre entre le développement humain et la conservation environnementale.

  21. Gérer une peste mortelle : quarantaine stricte contre soins risqués. Face à une épidémie dévastatrice, les personnages doivent choisir entre imposer une quarantaine stricte qui pourrait sauver de nombreuses vies au prix de grandes souffrances, ou tenter des soins qui pourraient propager la maladie mais sauver des individus.

  22. Négocier avec un ennemi au lieu de combattre. Offerts la possibilité de négocier avec un ennemi pour éviter un conflit, les personnages doivent décider si la diplomatie est une marque de sagesse ou de faiblesse, évaluant les risques de la paix contre ceux de la guerre.

  23. Faire un choix entre la loyauté à un leader et la loyauté aux principes éthiques. Lorsque les actions d’un leader contredisent les principes éthiques des personnages, ils doivent choisir entre rester loyaux à une figure d’autorité ou suivre leur conscience, même au risque de conséquences personnelles.

  24. Gérer les conséquences d’un crime commis par un membre du groupe. Un membre du groupe commet un crime grave. Les autres membres doivent décider comment gérer la situation : couvrir le crime, le dénoncer ou chercher une autre solution qui pourrait préserver l’unité du groupe.

  25. Évaluer si protéger la vérité vaut plus que maintenir la paix par des mensonges. Les personnages découvrent une vérité qui pourrait déstabiliser la paix. Ils doivent choisir entre révéler cette vérité, risquant le conflit, ou la garder cachée pour maintenir l’harmonie.

Pour conclure, le jeu de rôle peut permettre de s’interroger sur des sujets éthiques en changeant de point de vue, en étant plongé dans d’autres époques ou cultures. Mais aussi, et c’est là que le jdr est aussi extrêmement intéressant : il va pousser à rechercher une solution autre, une 3ème voie, un compromis, la bonne idée qui contente les intérêts de chacun. Par exemple, dans le cas du développement urbain qui empiète sur le terrain de l’orphelinat, il est peut-être possible de reloger nos orphelins dans un logement peut-être plus adapté, plus neuf. Bref, on peut très bien utiliser le jeu de rôle pour aller au-delà des confrontations d’intérêts ou de moeurs et proposer des résolutions alternatives. Un creuset de personnalités et d’idées loufoques (“out-of-the-box”), c’est bien ça une bonne table de jeu de rôle, non ?

Fletch et VivSamo

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