Interview jdr : Emysfer – Olivier Ranisio

Emysfer est un jeu de rôles et un univers atypique qui met les joueurs dans la peau de créatures organiques différentes des clichés habituels. Le monde d’Emysfer est un bouillonnement de culture et d’évolution biologique. Les créatures/peuplades qui composent Emysfer sont entre le haut Moyen Âge et l’ère de la renaissance. Les rapports de puissance, les alliances, les découvertes évoluent aussi vite que le foisonnement d’évolution biologique de la planète. C’est un jeu d’exploration et de mystère, qui amènera les joueurs à se conceptualiser autrement que par des yeux humains.

Interview JDR : Emysfer - Olivier Ranisio

Bonjour Olivier Ranisio, Emysfer est un projet que tu présentes depuis plusieurs années dans pas mal de convention. Le financement participatif est finalement lancé pour partir à la conquête de nos tables de jeu. Le kit d’initiation est disponible de même que le site internet, la chronique JDR, ce premier abord nous a donné envie d’en savoir plus…

Emysfer est un jeu de rôles pour tout public ?

Olivier Ranisio : Bonjour Geek Powa,
Alors oui, c’est “tout public”, néanmoins les enfants ne sont pas le public-cible. Il y a notamment quelques références discrètes à la sexualité des différentes espèces et globalement le monde n’est pas enfantin.

L’’actual play et les parties de démonstration son un vrai plus pour que les futurs MJs/MN, un endroit en ligne ou on peut vous découvrir au numérique ?

Olivier Ranisio : Malheureusement, je n’ai ni le temps ni les ressources pour faire de l’actual play (en tout cas un actual play qui soit regardable). Par contre je mets en ligne régulièrement des petites vidéos d’aide de jeu qui se rapproche plus d’une présentation PowerPoint commenté que d’une vidéo mais qui permettent de se familiariser avec le système de jeu.

Dans le kit d’initiation l’hôte de la soirée est un MN (Maître de la Narration), est-ce un rôle différent du traditionnel MJ ?
 
Olivier Ranisio: Le terme “Maître de la Narration” est lié au système de jeu qui est un système d’arbitrage de la narration. En gros, celui qui gagne le “duel” de jet de dés gagne le droit de raconter ce qu’il se passe. Comme c’est le MN qui arbitre cette narration (pour que ce soit cohérent avec les règles et l’univers), cela a donné son nom.

Quels sont les jeux ou les univers qui ont nourri ton inspiration pour créer Emysfer ?

Olivier Ranisio: Des tonnes ! Certains plus que d’autres il est vrai alors puisqu’il faut en citer : Lanfeust de Troy, Ninja scroll, Starcraft, Warhammer 40k, ADD (le premier jeu que j’ai maîtrisé dans sa seconde édition), FUDGE (un méta-système de jeu qui a notamment donné FATE), GURPS (premier système générique que j’ai testé et notamment GURPS espace qui est un supplément juste génial), Jayce et les conquérants de la lumière, Starship troopers, les documentaires animaliers, Les Fourmis de Bernard Werber… Bon, j’en oublie sans doute plein mais c’est déjà pas mal.

Quand tu écris/dessines pour Emysfer, quels sont les musiques que tu écoutes ? Est-ce que tu as une playlist à conseiller pour jouer à Emysfer ?

Olivier Ranisio: Quand j’y réfléchis, j’écoute assez peu de musique en travaillant mais quand ça m’arrive, c’est souvent la BO de Conan le barbare, du Archive (en particulier les albums Lights et Noise).
Pas de playlists à conseiller pour Emysfer mais… ça ne saurait peut-être tarder puisque, parmi les objectifs de la campagne, il y a de la musique d’ambiance spécialement crée par Michael GHELFI.

Le système d’Emysfer utilise la mémoire, pourquoi ce choix et en quoi cela sert le game-design?

Olivier Ranisio : Le monde d’Emysfer est totalement inconnu pour les joueurs (sauf informations basiques pour commencer à jouer) mais leurs personnages, eux, vivent sur cette planète et ont donc des connaissances. De plus, le côté scientifique du jeu (notamment dans la création de contenu par le MN mais aussi en terme de background) semblait justifier une mécanique dédiée à la connaissance. Au tout début, cela faisait l’objet d’un classique jet de dé avec gradation de l’information en fonction de la marge de réussite. Cela ne fonctionnait pas trop mal mais le côté aléatoire (et l’ajout de beaucoup de jets de dés) ne collait pas avec l’objectif en terme de game design. Jeter les dés génère une tension qui se justifie dans les situations d’action. L’enjeu, lorsqu’il s’agit de savoir ce que le personnage connaît, n’est pas du même ordre. J’ai donc modifié cela pour introduire une mécanique stratégique de la connaissance, avec gestion d’une réserve et de l’attrition. C’est ainsi une mécanique de jeu “méta” assumée. On utilise des jetons pour acheter des informations comme souvenirs de son personnage (animaux, végétaux, personnalités, lois, géographie, environnements naturels…)
Néanmoins, l’utilisation de la mémoire n’est qu’une moitié du système qui fonctionne en symbiose avec la résolution de l’action.

Emysfer invite chaque joueur à se penser comme une colonie, collaborant avec d’autres colonies. Quels sont tes retours sur les parties de test ?

Olivier Ranisio : Alors oui et non. Cela dépend de l’espèce choisie. Si le personnage est de type humanoïde, on reste en terrain connu de ce point de vue. Par contre, effectivement, si le personnage est de type symbioïde, cela entraîne quelques particularités. Notamment l’emploi de “Nous” au lieu de “je” lorsqu’on parle pour son personnage ou la possibilité de faire sortir une partie de son “cerveau” pour aller fureter dans les coins.
Lorsque les joueurs jouent le jeu, en général, ça fait mouche. Ils sont alors obligés de faire un petit effort d’interprétation du personnage qui lui donne un certain cachet : “Hmmmm, nous sommes en pleine discussion avec nous-mêmes…” Néanmoins, je ne force jamais les joueurs à utiliser le “nous”, c’est un plus mais il est optionnel bien que conseillé.
Hors cela, le personnage symbioïde se joue quand même comme un personnage classique et prend ses décisions comme tel. J’avais envisagé de pousser un peu plus la spécificité sur la manière de jouer un symbioïde mais d’une part cela mettait trop de focus sur eux au détriment des personnages humanoïdes et d’autres part, cela rendait l’identification du joueur à son personnage trop difficile. C’est l’inconvénient si l’on fait trop différent de ce que l’on connaît, il y a un gros risque que le joueur n’arrive pas à se projeter correctement dans son personnage.
De plus, le jeu regorge déjà de beaucoup de choses inhabituelles, il y a un moment où il faut savoir dire “stop” pour ne pas perdre les gens.

Pourquoi faire sortir des sentiers battus nos joueurs et comment les motiver ?

Olivier Ranisio : À titre personnel, je suis arrivé à une certaine saturation des classiques. Les elfes, les nains, les dragons, les gobelins… ça a tendance à me sortir assez rapidement par les trous de nez. J’assume le caractère parfaitement subjectif de la chose et j’admets sans aucun problème que les “classiques” ont des tas de qualités. Mais voilà, j’en avais marre. J’ai donc commencé à créer le jeu que j’aurai aimé voir exister. En tant que “consommateur” de jeu, de film ou de livres, j’aime qu’on me surprenne, qu’on me fasse voyager, qu’on me sorte du déjà-vu. Autant dire que je ne suis pas particulièrement servi en ces temps de prequel, reboot, et autres suites et adaptations d’anciennes œuvres.
Je dirai donc que la motivation première c’est le frisson de la découverte, de la nouveauté, d’un monde où tout reste à voir.
La deuxième, c’est d’éviter le mode “automatique” que l’on peut retrouver en jouant à du med fan classique : “des gobelins? Hop venez, on les dézingue”. Là quand on rencontre une entité quelle qu’elle soit, il y a toujours un moment de flottement (c’est à ce moment qu’on dépense ou non des jetons) : “Cette petite bestiole a l’air inoffensive mais…”
La troisième tient au système de jeu. Les classiques ont tendances à mettre de côté la narration du joueur, notamment dans le résultat des actions que son personnage tente. Le but est donc de prendre (ou reprendre) du plaisir à raconter même quand on est joueur (et pas MJ).

Quand on porte la double casquette auteur/illustrateur on commence par le mot ou le trait une idée ?

Olivier Ranisio : Bonne question. Les deux mon capitaine !
En fait ça dépend, il y a souvent une sorte de ping-pong entre l’écriture et l’illustration et quand je suis en panne sur l’un, je passe sur l’autre. Les deux se nourrissent mutuellement.

La question classique dont on ne se lasse pas : Pour toi, c’est quoi le jeu de rôles ?

Olivier Ranisio: Ah, la grande question et bien… je vais botter en touche, d’autre le font beaucoup mieux que moi.

Emysfer est un jeu atypique, des conseils sur la mise en scène et l’ambiance ?

Olivier Ranisio: Je ne pense pas que la mise en scène nécessite des conseils spécifiques à Emysfer. Malgré certaines originalités, la répartition des rôles autour de la table et les règles de narration ne sont pas si différentes des jeux plus classiques. Pour l’ambiance, cela va dépendre quel groupe choisissent les joueurs. Je ne peux pas répondre à cette question sans expliquer un peu ce que cela implique.
La proposition de jeu, dans Emysfer, est modulable. En effet, avant de créer leurs personnages, les joueurs (avec le MN) doivent décider quel type de groupe ils vont jouer. En fonction du type de groupe, la proposition va grandement varier. Ainsi si des joueurs choisissent d’incarner des chasseurs de primes, il paraît évident que l’ambiance, le type d’intrigues et d’aventures que leurs personnages vont traverser auront peu de rapport avec d’autres joueurs qui auraient choisi d’incarner un groupe de diplomates, les membres d’une expédition naturaliste ou encore des cambrioleurs.
Je ne peux pas donner de conseil “générique”, tout va dépendre du choix des joueurs. Il est donc important de bien mettre au clair ce qu’on va jouer pour éviter les surprises.

Néanmoins, l’aspect découverte de l’univers par les joueurs étant assez prépondérant, je conseille généralement au MN de toujours prévoir des choses nouvelles à rencontrer, que les joueurs puissent dépenser leurs jetons et découvrir des morceaux d’univers à chaque partie.

Enfin, l’époque à laquelle se déroule les aventures des PJ est une époque à l’aube de nombreux changements, certains faisant partie des secrets du monde. Un des axes possibles est la révolution industrielle/technologique : une ou plusieurs découvertes changent radicalement les rapports de force ou les manières de vivre. Selon le type de groupe joué, l’angle d’attaque sera différent. Des diplomates devront par exemple gérer les nouvelles alliances, les guerres, les traités technologiques… Des escorteurs seront par exemple chargés de la sécurité du transport d’une nouvelle invention révolutionnaire… Des cambrioleurs seront par exemple chargés de voler les plans d’une nouvelle arme…. Des pilleurs de vestige pourraient découvrir une machine antique héritée d’un passé oublié… Un des personnages des joueurs pourrait aussi lui-même concevoir une nouvelle invention !

Avec le confinement une portion énorme de rôlistes s’intéressent aux jeux de rôles et ligne… les pdfs deviennent très sexy. Est-ce que ça a changé les contreparties de la campagne de financement ?

Olivier Ranisio : En fait, non. Nous avons toujours voulu qu’il y ai des PDF, pour deux raisons:
D’une part, une offre PDF seulement permet à ceux qui ont de plus petits moyens ou ne veulent pas mettre beaucoup d’argent dans un financement ou encore qui ont des étagères trop encombrées, de pouvoir avoir tout ce qu’il faut pour jouer en version numérique pour un prix faible.
D’autre part, l’inclusion des PDF dans l’offre physique permet de plus facilement créer ses propres aides de jeu personnalisées, d’imprimer ce dont on a besoin et d’avoir du matériel directement utilisable en ligne sans avoir à bricoler ou scanner les livres …
Il se trouve que les dix ou quinze premiers playtests d’Emysfer, je les ai fait en ligne il y a de ça quelques années. J’étais donc déjà conscient de cette problématique.

On te laisse finir avec une anecdote de convention sur Emysfer …

Olivier Ranisio : Mhhhh, je ne suis pas sûr de pouvoir raconter une anecdote particulière. Les conventions sont toujours des moments riches aussi bien humainement qu’en terme de réseau professionnel et de conseils. C’est en convention que j’ai rencontré Philippe de Posidonia qui m’a proposé ensuite d’éditer Emysfer. C’est aussi en convention que j’ai rencontré Lunart qui va participer aux illustrations du jeu ainsi que Michael GHELFI qui, selon les paliers atteints, s’occupera de créer des musiques d’ambiance spécifiques à Emysfer…
Bref, la liste des rencontres intéressantes est sans fin et rien qui ressorte particulièrement du lot ne me vient.

Merci Olivier, pour cette longue interview et ce jeu décalé qui nous change des poncifs ultra poussiéreux qui ne surprennent plus nos joueurs ! 
Emysfer c’est en financement participatif jusqu’au 26 mai 2020 sous l’étendard de Posidonia Édition qui décidément est un vivier créatif bouillonnant !

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