Donjons et Dragons 2024 : Une quête qui manque de magie

Après avoir exploré les profondeurs du nouveau Donjons et Dragons 2024 (ou devrais-je dire DnD2024 comme l’appellent nos amis de Wizards of the Coast), je dois avouer que c’est aussi bon que la version précédente. Autrement dit, un indispensable pour tout rôliste… qui n’a pas déjà une édition de DnD dans son sac sans fond.

En tant que vétéran des jeux de rôle depuis la première boîte rouge, j’ai vu passer de nombreuses éditions et variations de DnD. J’attendais donc cette nouvelle mouture avec une curiosité mêlée de scepticisme. Les promesses étaient alléchantes : une refonte des règles pour plus de fluidité, une meilleure accessibilité pour les nouveaux joueurs, et un équilibrage des classes pour satisfaire tout le monde. Mais est-ce que DnD2024 tient vraiment ses promesses ?

Précision importante : cet article ne traitera que de la version physique du jeu. La version digitale (PDF ou sur D&D Beyond) est prévue pour être mise à jour comme un « logiciel », ce qui est une toute autre aventure.

Le nouveau manuel de DnD2024 : Trop didactique ?

un mage qui lit un livre
Illustration de Fletch en 2024 (*)

Le manuel de Donjons et Dragons 2024 est plus didactique que celui de DnD5, avec 28 pages dédiées à expliquer ce qu’est un jeu de rôle. Si l’intention de rendre le jeu plus accessible aux nouveaux venus est louable, on peut se demander si cela justifie autant de pages dans un livre censé être le « Manuel des Joueurs ». Intéressant, surtout quand ils vendent déjà une boîte spéciale pour ça. Peut-être pensaient-ils que nous avions tous collectivement raté notre jet de perception.

Ces pages introductives détaillent les bases du jeu de rôle, les rôles du maître du jeu et des joueurs, et donnent même des conseils sur la manière de jouer son personnage. Pour un néophyte total, c’est sans doute utile, mais pour la majorité des acheteurs de ce manuel, c’est du remplissage. On aurait préféré que ces pages soient consacrées à des règles avancées, des options supplémentaires ou des conseils pour enrichir les parties.

Les renvois de pages sont toujours aussi labyrinthiques. Par exemple, pour la classe du guerrier, on vous dit d’aller au chapitre 5 sans préciser la page, ni si c’est un sous-chapitre de la classe ou du livre. Une vraie quête sans boussole ni carte au trésor. La navigation dans le livre est peu intuitive, avec des informations essentielles disséminées un peu partout. On se perd facilement entre les chapitres, ce qui peut être frustrant en pleine partie lorsque l’on cherche une règle précise.

La qualité du matériel de Donjons et Dragons 2024 : Une déception

un parchemin nul dans une imprimerie gobeline
Illustration de Fletch en 2024 (*)

Côté matériel, le livre de DnD2024 est imprimé en Belgique sur du papier de très faible qualité (pour la version livrée en France, un contact aux US me dit que leur version est correcte).
On dirait que les gobelins ont recyclé leurs vieux parchemins. Si vous pensiez que le papier de riz était fin, attendez de voir ça. Même un sort de protection ne sauvera pas ces pages. Pour un livre de l’éditeur de jeu de rôle le plus riche de la planète, c’est inacceptable.

Les illustrations de DnD2024 sont belles individuellement, mais sans aucune cohérence. On passe d’un style criard digne d’un festival gobelin sous potion hallucinogène à de la dark fantasy, puis à du semi-naïf et la page d’après encore un autre style, etc. Bref, rien de cohérent ni d’inspirant. On dirait que le directeur artistique a lancé un dé de chaos pour choisir les styles. Cette hétérogénéité visuelle nuit à l’immersion et donne l’impression que le livre a été assemblé à la hâte, sans direction artistique claire.

Et comme c’est imprimé sur du papier de qualité faible, aucune illustration n’est mise en valeur. Les couleurs sont ternes, les contrastes faibles, et les détails se perdent. Les artistes doivent se sentir comme des bardes jouant devant un public d’ogres sourds. C’est dommage, car beaucoup d’illustrations du livre mériteraient d’être admirées dans de meilleures conditions.

La couverture de Donjons et Dragons 2024 a été mal calibrée, beaucoup trop sombre. Si vous avez vu les publicités numériques de Wizards of the Coast, eh bien, ce n’est pas ce que vous recevrez. Peut-être est-ce seulement la version imprimée en Belgique (pour l’Europe), et que les aventuriers américains ont droit à un exemplaire correct. Ou qui sait, peut-être que nous sommes sous l’effet d’un sort d’obscurité ?

Un "battle-power" en hausse

un groupe d'aventurier autour d'un trésort
Illustration de Fletch en 2024 (*)

Dans DnD2024, la puissance des joueurs a augmenté de 15-20%, mais difficile de le confirmer sans lancer quelques dés lors d’une véritable campagne. Les personnages semblent plus puissants dès le départ, avec des capacités accrues et des sorts plus dévastateurs. DnD5 était déjà un jeu de super-héros, et cela ne change pas. Cette montée en puissance pourrait ravir ceux qui aiment briller en combat, mais elle va déséquilibrer les parties avec du matériel 5E si les maîtres du jeu ne compensent pas en adaptant les défis.

Chez Wizard of the Coast (WotC), ils nous conseillent même de commencer au niveau 3 pour ceux qui ont un peu d’expérience en JDR. Parce que pourquoi s’embêter avec les niveaux 1 et 2 quand on peut directement affronter des dragons, n’est-ce pas ? Cette recommandation laisse perplexe. Les premiers niveaux ont toujours été l’occasion pour les joueurs de se familiariser avec leurs personnages et pour le groupe de trouver sa dynamique. Les sauter revient à négliger une partie importante de l’évolution narrative.

Cette augmentation du « battle-power » soulève également des questions sur l’équilibrage des rencontres. Les monstres classiques (la production de 10 ans de gammes et suppléments compatibles 5E) risquent de ne plus représenter une menace suffisante, obligeant les maîtres du jeu à revoir leur bestiaire ou à augmenter artificiellement la difficulté des combats. On peut craindre que les parties deviennent une surenchère de puissance, au détriment de l’intrigue et de l’interprétation.

Les nouveautés de DnD2024 : Un air de déjà-vu

un vieu mage avec un baton magique et un chapeau
Illustration de Fletch en 2024 (*)

Les nouveautés réelles représentent 3 à 5% de l’ouvrage de 384 pages. Autant dire qu’ils ont juste changé la couleur du chapeau du mage et espèrent que personne ne le remarquera.

Les changements généraux :

  • « Race » devient « espèce » : un changement terminologique pour plus d’inclusivité.
  • Nouvelle organisation du livre des joueurs : plus claire et accessible, en théorie.
  • Règles simplifiées pour l’épuisement, la surprise et d’autres mécaniques.
  • Système de création de personnage revu, avec « plus de flexibilité ».

Classes et sous-classes :

  • Toutes les classes obtiennent leur sous-classe au niveau 3.
  • 48 sous-classes au total, soit 4 par classe.
  • Meilleur équilibrage entre classes martiales et magiques.
  • Nouvelles options pour chaque classe.

Espèces et origines :

  • Nouvelles espèces : Aasimar, Goliath, Orc.
  • Capacités raciales revues pour mieux refléter la biologie des espèces.
  • Bonus de caractéristiques liés aux origines (backgrounds) et non plus aux espèces.

Dons et compétences :

  • Système de dons revu, avec différentes catégories.
  • Nouveaux dons d’origine liés aux backgrounds.
  • Maîtrise des armes pour certaines classes martiales.

Sorts et magie :

  • Près de 400 sorts, dont beaucoup révisés.
  • Nouvelles règles pour la préparation des sorts.
  • Capacités magiques innées pour certaines espèces.

Autres ajouts de donjons et dragons 2024 :

  • Nouvelles règles d’artisanat plus détaillées.
  • Chapitre sur les bastions (bases des personnages).
  • Meilleures options pour les interactions sociales et l’exploration.
un ouvrage qui rend perplexe un voleur
Illustration de Fletch en 2024 (*)

En résumé : Faut-il acheter Donjons et Dragons 2024 ?

Donjons et Dragons 2024 est comme un sort de niveau 1 lancé par un apprenti magicien : les intentions sont là, mais le résultat laisse à désirer. Si vous avez déjà une édition précédente, autant garder votre or pour une meilleure quête.

Ps : À noter également que le SRD (System Reference Document) qui a mis Wizards of the Coast dans la tourmente début 2023 aura une version SRD 5.2, mais qui ne sera connue/disponible qu’après la parution du Manuel des Monstres (printemps 2025). Ce délai assure à WotC un avantage concurrentiel sur le développement des suppléments de contexte.

*Toutes les illustrations de l’article sont les miennes et ne sont pas dans l’ouvrage DnD2024.
Pour cause, la tendance de Wizards of the Coast à s’en prendre aux créateurs de contenus

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1 commentaire

  • Hum. Je pense être aussi perplexe que toi.
    De mon expérience D&D, qui débute qu’à partir de la 3.5, j’aurai tendance à dire qu’il faut acheté 1 édition sur 2 ^^
    J’ai beaucoup aimé la 3/3.5 (+3.75 avec Pathfinder) tandis que j’ai détesté là v4 (trop « jeu vidéo » à mon goût). Pour la v5, j’apprécie y jouer, même si je te rejoins, la puissance des PJs et les rencontres sont déroutantes. C’est un peu du tout ou rien en termes de difficulté je trouve.
    Du coup, DD2024… ben j’aurai tendance à zapper étant donné la qualité de la V5 et l’achat d’une gamme sur 2 ^^

    Après reste à voir si c’est une bonne porte pour de nouveaux rôlistes.

    De ton expérience, est-ce que le succès des gammes antérieures à la 3/3.5 était également d’une sur 2 ? 🙂

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